A petaouchnoc

A petaouchnoc

La Saint Valentin


La Saint Valentin

Des crottes de chocolat noir à la Saint-Valentin.

 

 

                                                      Les sanglots des martyrs et des suppliciés

                                                                    Sont une symphonie enivrante sans doute,

                                                                    Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte

                                                                    Les cieux ne s’en sont point encore rassasiés!

                                                                    (Baudelaire, le reniement de Saint-Pierre)

 

Le diable :

 

-  Es-tu heureux en enfer?

 

Valentin :

 

- Il se pourrait, si vous cessiez de me sodomiser tous les jours.

 

- Combien de gosses as-tu perturbés pendant tes vies religieuses pédophiles, mignon curé ? Raconte, et je verrai si je dois alléger ta pénitence. 

 

 - Au troisième siècle, je m’appelais Valentin, prêtre sous le règne de l’empereur Claude II. L’armée romaine combattait sur plusieurs fronts. Engagée dans des guerres meurtrières, elle manquait cruellement de soldats. Heureux dans leurs foyers, les hommes adoptaient la religion catholique qui les exemptait de porter des armes. L’empereur fulminait. Il condamnait les mariages.    Je baptisais, confessais et mariais en cachette. Mis en prison, je rendis la vue à la fille aveugle du geôlier. Toute sa famille se convertit au christianisme. Claude II, de rage emportée, me fit subir le supplice de la chèvre. Des légionnaires m’installèrent à quatre pattes sur un chevalet et je les souffris à la file. Le 14 février de l’an 270, ma tête fut découverte sur un tas d’immondices, le sexe entre les dents, enfilé dans ce qui restait d’un anus : ce morceau de chair couvrait ma dépouille.

 

- Tu as fait preuve d’anarchie, tu as été puni. Et en inventant la confession, tu as rendu puissant mon ennemi, s’esclaffa le Diable, son énorme sexe poilu posé en travers de sa cuisse.

     

     Le seigneur des ténèbres se masturba et poursuivit :

 

- Après la chute de l’Empire romain, le peuple fêtait « Les Lupercales », tous les ans le 15 février. S’adonnant à des orgies, il troussait tout ce qu’il trouvait dans les rues, les jeunes comme les vieux. Le clergé, première multinationale sodomite, s’émut. Ses éphèbes fugueurs rentraient au matin les fesses rougies, englués de sperme de la tête au pied. Désirant préserver le plaisir de ses nuits, il interdit à la plèbe de pratiquer les joies de la chaire qu’il baillait : rites païens. Il  t’ordonna Saint  et sacralisa ses amours en sanctifiant le jour de ta fête.

 

- Pourquoi suis-je en enfer ?

 

- Cesse de questionner. 

 

- Je renaquis en 1349. Prêtre érudit, j’occupais la place de secrétaire particulier de Pierre Schwarber, Bourgmestre de Strasbourg. La terrible peste bubonique s’installait dans la région. Les juifs paraissaient épargnés. Une immunité probablement due à l’hygiène qu’ils s’imposaient. Les catholiques, ulcérés par les ravages du mal, cherchaient un bouc-émissaire. Les juifs furent désignés. Des preuves manquaient. Plusieurs avouèrent sous la torture. La populace jubilait. Assouvissant ses instincts, elle endeuilla jour après jour des communautés de Suisse, de Rhénanie et de Haute-Alsace. Désireux de protéger la sienne, Schwaber institua la fermeture de son quartier. Malheureusement, la conjoncture empira. Les corporations des métiers alimentaient la haine.

 

- Valentin,  cours prévenir nos amis juifs. Qu’ils s’enferment chez eux jusqu’à mon signal, me cria le Bourgmestre, le visage décomposé par l’inquiétude.

 

     Le 9 février, des élus exigèrent l'arrestation de tous les Juifs et leur mise en jugement. Schwarber repoussa cette requête. Ils répondirent par des insultes.

Il les fit tous arrêter. Un charcutier s’échappa. Ameutant ses coreligionnaires et la noblesse, il appela au carnage. Bouchers et tanneurs furent les plus acharnés. Redevables, ils espéraient liquider créances et créanciers.

 

     Le 10 février, les émeutiers se rendirent maîtres de la ville, bannirent le Bourgmestre et nommèrent pour chef : Ammeister le sanguinaire, un ennemi juré de la religion haïe.

 

     Le 14 février, l'horreur ensanglanta le bourg. Des cris indescriptibles remplissaient les rues. Des troupes hurlantes défonçaient les portes des maisons juives. Elles massacraient, poignardaient et défenestraient. Les hommes violaient, les garces émasculaient. Des harpies ouvraient les ventres des femmes enceintes, embrochaient les fétus au bout des piques ou leur mangeaient le cœur. Dans leur folie meurtrière, les bouchers coupaient des enfants mâles en deux et les clouaient sur les murs. Après des heures et des heures d’ignominie, des centaines de survivants furent réunis et traînés devant un énorme bûcher. La foule baptisait les bébés. Les mères, admirables, les leur arrachaient des mains et se jetaient dans les flammes. Les catholiques vomissaient des injures ! 

 

 - Comment es-tu mort ?

 

- Je fus dénoncé par l’ami chez qui je me cachais. Les membres me furent coupés et ma tête promenée sur une pique.

 

- Désormais, la fête de la Saint-Valentin honorera la mémoire de ce pogrom, et celle de ces femmes pour l’amour porté à leurs enfants, ordonna le Diable le sexe brandit comme une épée et la larme à l’œil.

 

- Tu m’as ému. Je t’épargne. Demain, tu monteras au purgatoire. Dieu ne t’ennuiera pas. Il   n’y descend jamais, et son harem de curés lui suffit.

Valentin, angoissé :  

 

- Et si je monte au paradis ?   

 

- Crains le pire. Je te transformerais en femelle, il les déteste. Leurs bavardages et leur tyrannie domestique l’horripilent.  

 

-‘ Alors, j’aimerais revivre sur terre.

 

- Pas vraiment une bonne idée en ce moment, mon mignon. Du ciel, que les hommes pensent un paradis, tombent la pluie, la neige et la foudre, mais aussi des bombes. Tu le désires, je te récompense. Toutefois, interdiction formelle de toucher aux enfants, sinon je te ferais manger mes étrons, et j’engloutis des kilos de viande faisandée chaque nuit. Tu vas naître aujourd’hui 14 février 2015. Et pour te souvenir de la punition qui t’attend si tu gargouilles à nouveau dans le vice, tu célébreras la fête de l’amour en distribuant chaque année des crottes de chocolat noir à la Saint-Valentin sur les parvis des églises. Es-tu satisfait ?

 

- Oui mon Diable.

 

- Alors, retourne-toi une dernière fois pour sceller cet accord.

 

Fin

 

Patrick Letellier

 

 

 

 

mots clef: Saint Valentin, enfer, purgatoire, ciel, diable, crottes de chocolat, Empereur Claude, Empire Romain, Ammeister le sanguinaire, bourgmestre, juifs, répression des juifs, pédophiles

 


28/01/2016
3 Poster un commentaire

Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser