A petaouchnoc

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Pot au feu


Pot au feu et bouillon de boeuf

 

 

Le bouillon de bœuf est l'âme de la cuisine de ménage, il constitue la partie la plus essentielle et la plus réellement nutri­tive de l'alimentation journalière, c'est-à-dire la bonne soupe grasse ; de plus, il est la base d'un grand nombre de préparations culinaires, telles que ragoûts, sauces, purées, etc.

 

Le premier des bouillons est sans contredit le bouillon de bœuf; mais je ferai remarquer qu'il existe aussi d'autres bouil­lons de diverses espèces, tels que bouillons de volaille, de légumes, de poisson, de gibier.

 

Un bon pot-au-feu m'a paru représenter une de ces opéra­tions à la fois élémentaires et fondamentales qu'on ne saurait trop mettre à la portée de tout le monde, du moment que l'on traite de la cuisine de ménage.

 

Ici moins que jamais je ne reculerai devant aucuns détails, même les plus minutieux, quitte à faire sourire les gens qui ne se rendent pas compte de ce qu'est le premier apprentissage de la cuisine. Ce à quoi je tiens avant tout, c'est que même une personne qui approcherait des fourneaux pour la première fois de sa vie ne puisse manquer d'opérer à coup sûr en suivant mes formules à la lettre.

 

MARMITE.

 

On emploie dans les ménages quatre genres de marmites dif­férents :

1° La marmite de fonte ;

2" La marmite de terre, vulgairement appelée huguenote ,

3° La marmite en fer étamé;

4° La marmite en cuivre .

 

Je déconseille de la façon la plus formelle les deux premières marmites : celle de fonte, parce qu'il devient difficile, sinon impossible, d'enlever la graisse qui se loge, au bout d'un certain temps, dans les pores de la fonte.

 

Je déconseille également la marmite de terre, qui jouit d'une réputation si peu justifiée auprès de certaines ménagères. Loin d'améliorer le bouillon, elle ne fait que le gâter. Neuve, elle conserve pendant longtemps un goût de terre et de vernis que l'eau chaude ne lui enlève jamais entièrement; en vieillissant, elle prend un goût de mauvaise graisse rance qu'aucun nettoyage ne peut détruire.

 

On adoptera donc la marmite en cuivre ou en fer étamé, en se conformant, quant au choix, aux indications données dans le chapitre des Ustensiles .

 

Je recommande expressément ces deux dernières marmites, parce qu'elles sont d'un nettoyage facile, et qu'il n'y a ni bon ni beau bouillon à confectionner sans la propreté absolue du vase.

 

CE QUI ENTRE DANS LE POT-AU-FEU.

 

J'établis deux sortes de pot-au-feu, le petit el le grand : le premier pour l'ordinaire, le second pour les jours extraordinaires.

 

Le petit pot-au-feu se fait avec :

 

750 grammes de viande,

125 grammes d'os (c'est à peu près la quantité d'os que comporte la quantité de viande),

4 litres d'eau,

30 grammes de sel,

150 grammes de carottes,

150 grammes d'oignons,

200 grammes de poireaux,

10 grammes de céleri,

I clou de girofle,

150 grammes de navets,

25 grammes de panais.

 

On pique le clou de girofle dans un oignon.

 

Quelques personnes ont l'habitude d'ajouter de l'ail au pot- au-feu ; je ne le conseille pas : le goût de l'ail, toujours si pro­noncé, tend à dénaturer l'arôme du bouillon, et de plus il ne permet pas de le servir à des malades.

 

Pour le pot-au-feu d'extra, on emploie :

 

1 kilo 500 grammes de viande,

4 hectos d'os,

8 litres d'eau,60 grammes de sel,

300 grammes de carottes,

300 grammes d'oignons,

 300 grammes de poireaux,

25 grammes de céleri,

2 clous de girofle,

300 grammes de navets,

50 grammes de panais.

 

On se demandera peut-être si le petit pot-au-feu, que j'appelle petit à dessein, répond bien aux convenances des petits ménages, dont la cuisine est nécessairement réduite à des proportions restreintes.

 

Je ne perds pas de vue un seul instant, dans cette première partie, qu'on le croie bien, les nécessités même des plus petits intérieurs. Le petit pot-au-feu fournit une quantité de bouillon pour quatre ou cinq personnes. — Mais si l'on n'est que deux? me dira-t-on. — Je réponds à cela qu'il est bien peu de ménages où l'on ne fasse le bouillon au moins pour deux jours. Il est bon d'ailleurs d'en avoir en réserve pour les sauces du bœuf ré­chauffé.

 

On voit donc que nous sommes tout à fait dans les proportions voulues, même pour les ménages de deux personnes. Chercher à aller au-dessous de la quantité que j'indique serait faire à la fois une mauvaise économie et de mauvaise cuisine.

 

LA VIANDE.

 

Les parties du bœuf adoptées pour le pot-au-feu sont :

La tranche,

La tranche au petit os,

Le gîte à la noix,

La culotte.

 

Ces quatre morceaux composent toute la partie supérieure de la cuisse du bœuf ; il ne reste plus de la cuisse que la jambe e£ la boîte du genou, morceaux peu charnus, gélatineux et très peu nutritifs.

 

On emploie après ces morceaux principaux :

 

Le paleron,

Le lalon de collier.

 

Ces deux morceaux sont les parties supérieures de l'épaule; ils font également de bon bouillon et représentent une bonne viande comme bouilli : toutefois il est reconnu que les parties de la cuisse du bœuf donnent un bouillon plus nutritif que celles de l'épaule.

 

On fait aussi le bouillon avec la côte d'aloyau ; on obtient ainsi de bonne viande à manger ; mais le bouillon est toujours faible, attendu que ce morceau, qui convient surtout aux rôtis, aux grillades et aux braisés, n'est pas assez charnu pour donner un bouillon savoureux.

 

Dans certains intérieurs, on a l'habitude, sous prétexte qu'on ne mange pas de bœuf bouilli, de faire le pot-au-feu rien qu'avec le gîte de jambe. Je désapprouve celle méthode ; le gite seul ne saurait faire de bon bouillon, par la raison qu'il contient beau­coup de gélatine et peu de substance nutritive.

 

Toutefois le gîte serait employé avec avantage pour les per­sonnes qui préfèrent le bouillon parliculièrement consistant. Pour ce cas-là, on ajouterait 500 grammes de gîte aux quantités don­nées pour notre grand pot-au-feu.

Je recommande par-dessus tout l'extrême fraîcheur de la viande. Une viande séchée et hâlée ne peut donner ni bon bouil­lon ni bon bouilli.

 

MANIÈRE D'OPÉRER POUR LE POT-AU-FEU.

 

Le premier soin est de bien faire son feu.

 

Emplissez parfaitement votre fourneau de charbon ; une marmite dont le feu a été bien fait dès le principe peut durer trois heures sans qu'il soit besoin d'y toucher. Toutes les fois qu'il sera nécessaire de raviver le feu, évitez de le faire repartir avec trop de vivacité ; les feux ardents ne valent jamais rien pour le pot-au-feu, qui demande à être mené toujours très dou­cement.

 

Il faut avoir soin, en plaçant le couvercle de la marmite, de laisser une ouverture de deux travers de doigt : le bouillon se troublerait dans une marmite hermétiquement fermée.

 

Désossez le morceau de bœuf;

Ficelez-le pour maintenir la chair;

Cassez les os au couperet ;

Placez dans la marmite les os d'abord et la viande par-dessus;

Versez l'eau, qui doit être filtrée : 6 litres pour la grande mar­mite, et 3 pour la petite;

 

Mettez sur le feu;

 

Ajoutez les 60 ou 30 grammes de sel ;

Faites bouillir.

 

Aussitôt que l'écume commence à monter, vous rafraîchisse:, c'est-à-dire que vous versez 3 décilitres d'eau froide pour la grande marmite et 1 décilitre et demi pour la petite.

 

Écumez avec la cuiller percée;

Faites bouillir trois fois et écumez trois fois.

Après celte opération, votre bouillon doit être parfaitement écumé.

Essuyez avec soin les bords de la marmite;

Ajoutez les légumes indiqués ci-dessus, ce qui arrête momen­tanément l'ébullition.

 

Laissez repartir, et, sitôt que l'ébullition recommence, placez votre marmite sur l'angle du fourneau, de façon qu'un tiers seu­lement se trouve sur le trou, comme il est dit aux Considérations préliminaires.

 

Couvrez le reste du feu avec de la cendre, pour obtenir une Ebullition continue et la plus régulière possible pendant cinq heures pour la grande marmite et trois heures pour la petite.

 

Il ne faut pas laisser tomber le feu au point que l'ébullition s'arrête tout à fait ; dans le cas où on aurait à mettre du char­bon dans le fourneau, on évitera de faire bouillir trop fort ; la régularité d'ébullition est une des conditions les plus essentielles pour la qualité du pot-au-feu.

 

On enlève la viande du pot-au-feu quand le bouillon est entièrement fait; on la dispose sur un plat; on goûte le bouillon et l'on s'assure s'il est d'un bon sel pour le potage. Mais s'il était nécessaire de ressaler, il faudrait le faire seulement dans la sou­pière.

 

Le bouillon de la marmite doit être tenu à sel très doux ; il se ressaie toujours lorsqu'on le fait réchauffer le lendemain, el à plus forte raison lorsqu'il réduit pour une sauce. Il est donc essentiel de ne pas arriver dès le premier jour à un trop haut degré de salaison.

 

DÉGRAISSAGE.

 

Dégraisser parfaitement le bouillon, quand le bœuf est relié, est aussi un principe essentiel à observer, aussi bien au point de vue hygiénique qu'au point de vue culinaire.

 

Dégraisser, c'est enlever toute la graisse qui est à la surface avec la cuiller à dégraisser. On aura soin, en enlevant la graisse, d'enlever le moins possible de bouillon. Cette opération se fait beaucoup plus facilement lorsque le bouillon est en ébullition, toujours sur le coin du fourneau.

 

Les graisses qui résultent du pot-au-feu el autres cuissons peuvent faire, lorsqu'elles ont été parfaitement clarifiées, de très bonne friture.

 

On clarifie les graisses en les faisant cuire à feu très doux pendant une heure.

 

Laisser refroidir un quart d'heure, puis passer à la passoire dite chinois .

 

OBSERVATIONS SUR LES LÉGUMES DU POT-AU-FEU.

 

Les légumes ajoutent beaucoup à la saveur du bouillon, mais c'est à condition qu'on ne les laissera séjourner dans la marmite que le temps voulu pour leur cuisson. Aussitôt qu'ils sont cuits, on les retire de la marmite et on les dispose sur l'assiette.

 

11 est facile de concevoir que des légumes qui restent trop longtemps dans le bouillon lui enlèvent de sa saveur. On peut s'en convaincre, du reste, en goûtant carottes, poireaux, elnavets, que l'on aura laissés trop longtemps dans le pot-au-feu; ils ont pris un goût succulent aux dépens du bouillon dont ils ont pompé une partie de la substance. Or on met évidemment le pot-au-feu pour avoir tout le bénéfice du bouillon dans sa qualité la meilleure, et non pas pour engraisser spécialement les légumes.

 

Au printemps cl en été, les légumes sont plus tendres et cui­sent plus rapidement; leur cuisson est plus difficile en hiver; on aura donc égard aux différences des saisons pour leur emploi dans le pot-au-feu.

 

COLORATION DU BOUILLON. — CARAMEL.

 

On lient généralement à ce que le bouillon ail une teinte dorée ; le goût n'en est pas meilleur pour cela, mais l'œil est satisfait, et c'est souvent un grand point en fait de cuisine.

 

La chose essentielle, lorsque l'on colore le bouillon, est de ne pas en altérer le goût. C'est pourquoi j'engage les personnes qui tiennent à sa qualité à ne jamais employer les oignons brûlés, les carottes brûlées, les boules colorantes et autres ingrédients qui ne peuvent que donner de l'âpreté au bouillon et en dénaturer les principes.

 

Le meilleur caramel est celui que l'on fait soi-même.

 

On procède de la façon suivante :

 

Mettez dans un poêlon d'office une demi-livre de sucre en poudre.

 

Faites fondre en remuant avec la cuiller de bois.

 

Lorsque le sucre est bien fondu, laissez bouillir une heure sur le feu à 1 centimètre d'ébullition, avec la cuiller dedans pour pouvoir agiter de temps à autre.

 

Dès que le sucre fondu a atteint une couleur brune bien fon­cée, vous mouillez avec 1 litre d'eau froide.

 

Laissez bien dissoudre à feu doux le sucre, qui a dû se solidifier lorsqu'on a mis l'eau froide; faites bouillir pendant 20 minutes sur le coin du fourneau.

 

Laissez refroidir, mettez en bouteille, bouchez soigneusement, pour vous en servir au besoin.

Le caramel doit être d'un rouge d'acajou foncé, ce que l'on obtient en le faisant, comme je l'indique, à très petit feu.

 

Le caramel fait à grand feu brûle el prend une couleur noire qui donnerait une fausse teinte aux choses que l'on voudrait colorer.

 

Vous colorez le bouillon avec ce caramel cinq minutes avant de servir et seulement dans la soupière.

 

On aurait tort de colorer la quantité de bouillon dans la marmite; on ne pourrait en faire usage pour sauces poulettes et blanquettes.

 

Le mieux, dans tous les cas, est de le conserver à l'état natu­rel pour l'emploi du lendemain. On a toujours la ressource d'em­ployer le caramel pour lui donner de la couleur.

 

CONSERVATION DU BOUILLON.

 

Le premier principe pour conserver le bouillon est de le dégraisser et de le passer avec le plus grand soin.

 

Laissez-le parfaitement refroidir avant de l'enfermer.

 

Placez-le dans l'endroit le plus frais, et que le vase où vous le conserverez ne soit jamais couvert.

 

Dans l'hiver, le bouillon peut être gardé pendant deux et trois jours sans s'altérer.

 

En été, il est nécessaire de le faire bouillir chaque jour el de bien nettoyer le vase avant de le remettre.

 

DES CUISSONS PROLONGÉES.

 

On m'adresse, au sujet du pot-au-feu et du bouillon, la ques­tion suivante :

 

« Est-ce qu'en faisant bouillir le bœuf pendant sept ou huit heures, on n'obtiendrait pas un bouillon plus savoureux, de meilleure qualité, qu'avec une ébullition de cinq heures seule­ment? »

 

Je réponds à cela : En aucune façon! Il vient un moment où la viande est cuite et n'a plus rien à vous donner en fait de suc et d'arome. La laisser séjourner dans la marmite après son en-tier épuisement par la cuisson, c'est risquer de gâter le bouillon, bien loin de le rendre meilleur !

 

Ainsi, pour le bon bouillon, la viande du pot-au-feu doit être cuite à point, ni trop ni trop peu.

 

J'indique la limite de cinq heures pour le grand pot-au-feu, mais on comprend fort bien qu'il n'y a pas là-dessus de règle absolument invariable. Certaines viandes, suivant l'âge et la nature de la bête, sont d'une cuisson plus ou moins rapide.

 

On s'assure du degré de cuisson de la viande en la sondant avec une aiguille à brider, au bout de quatre à cinq heures.

 

Si l'aiguille enfonce aisément, sans résistance, le bœuf est cuit ; le bouillon est ce qu'il doit être.

 

 

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18/07/2018
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